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textes & publications
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Dans quelle marc de café, dans quel fond de slip, dans quel mélange d’alcool (Maca + Gin + Gingembre = <3), ont pu prendre existence de telles formes... Il faut dire que c’est une question qui me parcourt souvent l’esprit. Et pourtant je connais l’exacte façon dont elle fait et aime le café, la ride du lion qui fait de ses sourcils une barre oblique et exigeante, ses airs d’intrigante quand elle glisse Mariah Carey « incognito » dans le lecteur CD de ses 12 ans à 8h du matin, la rectilignité de ses dents quand elle s’exclame... Il n’y a peut être pas ombre plus proche de ses agissements et de ses oscillations de cul qui pourrait retracer la genèse, voire l’historicité, des pièces de H. Ce n’est pourtant pas l’entreprise à laquelle nous nous consacrerons présentement. Il n’y a pas d’histoire à raconter ; on ne veut plus de vos sornettes et de vos poisons. Comme a dit l’autre c’est fini de se faire baiser par un amour conditionné et conditionnel. Ici, et sans condition, soit tu baisses ta culotte pour H. soit tu te casses. (Et qui n’admettrait pas ne pas y être passé avec délectation ?)

M : Ta salive, ton para, fondra dans mon estomac,
Ta sueur, ta séminalité, j’ai aimé.

Extension d’un corps multiple et polymorphe que composent ses pièces, elle s’intègre à cette créature vivante qui nous voit réunit pour une occasion unique : celle d’une fête. Une fête de plus qui comme tant d’autres au cours des années à venir viendra dresser — à force de rire sauvage, d’acidité stomatologique, d’allégresse nerveuse — son spectre amical et résistant entre gaies personnes et structures de la pensée non pensée.

Gentle persuasion
L’espace-temps d’une QueerParty est en général dissolu. Avec fluidité, les corps de la foule se dégagent en individualités toujours d’exception et s’agglomèrent en communautés disposant chacune de ses propres danses guerrières. Pendant ce temps, les désirs agissants se montrent, se cherchent, se répondent, se conjuguent. En écho, ils s’aiment. Cet espace-temps où “les monstres sont de sortie” est également un antidote. Il fonctionne comme un dissolvant sur les cadres et les calques qui encombrent les esprits. Comme un fortifiant qui accompagne les sourires cruels des concessions auxquels nous ne cédons plus. Comme un poison pour se refuser et mettre à mal jour après jour la coercition d’une système ethnocentré qui tourne à vide et en boucle. Les corps n'y sont plus la matière première à la génération de l’argent, de la bonne hygiène et de la vraie santé, de l’authenticité partitive et orientée d’un être beau ; ils sont agents d’identités singulières et irrésolument irréductibles.

Kindness house
La frontière entre les pièces de H. et le réel qu’elle compose avec ses amour-e-s est poreuse : l’expérience de vie, qu’elle invente et par laquelle elle est forgée, s’écoule dans sa pratique. Activiste dans les espaces transféministes, elle ne se défait pas de ses choix et pensées comme d’un vêtement, selon la situation ou le lieu dans lesquels elle évolue. Embrasser cette cause, c’était porter sur elle les marques indélébiles et glorieuses de ce baiser. Au regard d’une pratique artistique co-existente et inextricable d’une pratique de vie, l’image des vases communiquant s’impose. Ce phénomène de transfusion de liquides (sueurs, sangs, salives, séminalité, fluide de pensée, paroles, amplitude harmonique et spectre des fréquences musicales...) est rendu visible ici. Syncrétisme de ses pièces avec les ruines et vestiges de moments partagés, ils forment ensemble une architecture imaginaire et palpable dans laquelle H. a choisi d’habiter. Cette bienveillante habitation accueille un exubérant amour de l’autre soi : le misérable, le libidineux, le sorcier, le suant, le cicatriciel, le trouble, le grotesque, le greffé, le synthétisé à l’hormone, le laid, le supplémenté cardiaque, le tumeuré amoureux... Recouvrant souvent le prénom de personnes aimables et chères, inconnues ou mal connues de son spectateur-e, les pièces - que H. a produit au cours de son parcours au sein des Beaux-Arts de Paris - se sont peu à peu érigées en une communauté qui dialoguerait à présent indépendamment d’elle. Tapissées d’un amour pour les alliés à l’existence virtuelle, fantasmée ou bien incarnée, elles proposent et composent avec les formes de l’expression amoureuse et de l’expression du désir : en somme, avec les formes du plaisir.

Infiltration
Campée solidement depuis les positions queers et l’esthétique CAMP — qu’elle a exploré* et qui sont venues à elle —, H. façonne aussi à coups de hanches, stylet, paumes de main, aiguille, des outils de lutte contre les oppressions et les oppresseurs. Parlant depuis des minorités marginalisées et de pratiques et/ou incarnations jugées transgressives, ses pièces sont les vecteurs de discours déconstruisant les catégories socio-normées segmentantes, distributives et répressives. Il s’agit ainsi de composer avec un héritage historique et culturel — et donc visuel — qui pèse sur les cœurs et les consciences. L’opération, depuis les outils vectoriel, consiste souvent à manipuler - travestir - les icônes d’un système construit dans l’arbitraire du signe régit lui-même par la différenciation clivante et prescriptive d’une norme imposée dont ne sait plus d’où. Cette intervention plastique et graphique de H. lui permet de vider de leur substance les référants d’un langage mainstream qui impose une version scientifique et absurdement inégalitaire de la personne et de son regroupement en société. Après déconstruction de ces motifs transmis par une culture où les enjeux de pouvoirs dominent, la greffe de discours des subcultures queer qui s’en suit, par le truchement plastique, participe aux stratégies politiques de détournement et d’appropriation mises en œuvre par les minorités discriminées, et dans toutes leurs complexité intersectionnelle. Cette perfusion - contamination perverse dont on nous accable qu’elle soit artistique, linguistique, spatiale, performative, esthétique, actorielle - circule irrémédiablement comme un doux venin dans les systèmes sanguins de l’industrie historique de fabrication des catégories de races, de sexes, de richesse, de corps. Puissance d’agir et puissance d’imagination prennent forme dans le travail de H. et sonnent le glas d’un système socio-politique qui bride et brise la complexité, la multiplicité et la spécificité identitaire de la personne — son assouvissement.

* Mémoire : "Fourier : CAMPCORE"

*Maggie Witchy, 2015
<3 <3 <3
Par quoi commencer pour décrire Hélène Mourrier ?
Par son travail de plasticienne ? De graphiste ? D’activiste ? Je ne crois pas qu’Hélène puisse être réduite à ce qu’elle fait, quand bien même fait-elle tellement de choses, protéiformes, rhizomiques, ou bien alors Hélène est ce qu’elle fait, chaque molécule d’air vibrant sur un dancefloor, chaque degré centigrade qui élève la température d’un émail, chaque bit instruisant le cœur d’une machine CNC ou d’une imprimante à jet d’encre, devient Hélène et Hélène devient ces choses dans un moment rendu intense, toujours. J’ai rencontré Hélène Mourrier par hasard dans le cadre d’un travail de recherche en design sur la question de la construction d’une corporéité normée par le design industriel, et de l’essentialisation du corps via des systèmes de représentation graphique utilitaires, tels que la didactique visuelle. J’ai été alors subjugué.e, et je le suis toujours, par la puissance du travail réalisé avec/pour OUTrans. Les milliers de triangles d’Hélène Mourrier performent des entités hybrides traversées par des gestes et Judith Butler, de la violence et Donna Haraway, de l’amour et Audre Lorde, du désir et Paul B. Preciado. Comment des outils graphiques fonctionnalistes peuvent-ils cartographier à l’infini des devenirs, comment les courbes de Béziers peuvent-elle se déterritorialiser et se réagencer en des proliférations de corps et d’artefacts, d’identités et de sujets ? Comment des dizaines de nuances de roses peuvent-ils chorégraphier une érotique de corps modifiés par la chirurgie ? Et comment ces formes deviennent-elles les échos jumeaux de discours mutants-mutés, politiques, poétiques, activistes, médicaux et légaux ? Maintenant qu’Hélène est mon ami.e et comment aurait-il pu en être autrement ?, j’ai la réponse à cette question. C’est l’A M O U R.
Le L O V E. Ce devenir-liquide là, qui permet la plus grande plasticité, devenir-air, devenir-danse, devenir-feu, devenir-eau, devenir-autre, devenir-tou.te.s les autres. Que le trait devienne plein, la courbe devienne céramique, le drapeau devienne robe, la robe devienne danse. La main devient poing, le poing devient fist. Etc. Voilà : chaque moment gagné pour son travail, chaque moment arraché à la contingence et à la précarité qui contraignent les jeunes artistes — a fortiori queer, a fortiori femelles, a fortiori féministes — à se soumettre à des modalités de production et de publicisation qui violentent le cœur de ce qui se joue dans leur travail est un moment à saisir. Hélène est fougueuse et intrépide, comme le sont les LOVERS. Exaltée et bouillonnante, comme le sont les LOVERS. Désirante et menaçante comme le sont les LOVERS. Bienveillante et généreuse, comme le sont les LOVERS. Généreuse de ses savoirs, de ses pratiques, généreuse même de sa violence sublime à l’endroit des systèmes de domination hégémonique qui nous écrasent.
Le travail d’Hélène n’existe pas sans le collectif, et dans le collectif, l’individu.e qui ressurgit, amour-politique-amour-politique. Le travail d’Hélène est important parce qu’il fabrique de ces nouvelles armes dont parlaient Deleuze, des armes hors violence, des vacuoles d’échappement, des talismans. Si je pouvais passer des mois à travailler, penser, discuter, danser, rire, écrire, faire avec Hélène, mais évidemment que je dirais « Ooooouuuiiiiiiiiii !!! »

*Tiphaine Kazi-Tani, 2017
*-*
Je suis à la fois admirative du travail et du parcours d'Hélène mais aussi profondément touchée par sa bienveillance, sa joie enthousiaste, sa liberté d'engagement. Il est des recontres où l'on a juste envie de regarder l'autre vivre, créer et rire. Voilà ce que m'inspire Hélène Mourrier.

*Elsa Dorlin, 2017
^^
Quelques soient les différents contextes dans lesquels Hélène Mourrier inscrit son travail, ce dernier procède avant tout d’une mise en tension des limites qui définissent leurs champs respectifs. Lorsqu’elle expose des œuvres sur la scène de l’art vivant, on dirait que ces objets et ces espaces proviennent d’une autre scène, qu’ils ont été produits ailleurs, par d’autres pratiques sociales qu’artistiques, dont les usages et les finalités répondent à d’autres nécessités que des enjeux esthétiques. Même si nous avons l’habitude des détournements et des appropriations, les formes et les signes graphiques qu’elle utilise, souvent forgés dans l’urgence des luttes transgenres ou féministes, ne sont jamais totalement convertis ou traduits en matériaux artistiques. Ces formes et ces signes gardent en partie leurs usages secrets, restent des outils de résistance et des signes de ralliement à l’adresse d’une communauté minoritaire. C’est de cette persistance à ne pas se traduire dans le discours général de l’art, que les œuvres d’Hélène Mourrier tirent toute leur force. Le sentiment qui s’en dégage est que, tout en se tenant là devant nous en lieu et place d’œuvres d’art, ces objets, ces signes, musiques et espaces, restent fidèles tant à leurs conditions d’émergence qu’à leur fonction première, celles d’être des armes et des outils d’émancipation.
Ainsi, Hélène Mourrier nous proposent une expérience esthétique où l’art et ses conventions prennent le risque de leur propre dissolution, pour garder l’expérience perceptive au plus près de formes de vie précaires, de leurs pratiques de survie et de solidarité. De là, on peut facilement déduire que « la question de l’auteur-e », qu’elle soit tacite ou concertée, n’est pas l’horizon d’une telle pratique. Les œuvres n’y sont pas les créations d’une personne particulière, artiste, autonome et souveraine. Hélène Mourrier parle au nom d’un « nous » d’expériences qui furent vécues en commun, et il est très difficile pour elle comme pour celui ou celle qui se penche sur son œuvre, de pouvoir distinguer sa pratique artistiques des autres pratiques qui la nourrissent et dans lesquelles elle s’engage régulièrement.

*Dominique Figarella, 2016
Beaux-Arts Magazine n°427 :
Qu’est ce que l’art queer ?
Interview collective de Arnaud Idelon
France, Janvier 2020

TRAX n°225 : Maghreb la puissance
interview de Arnaud Idelon
France, Octobre 2019

*CSS #6 – Chiennes
CYBITCH : le devenir chienne-cyborg.
Web, France, Décembre 2018

*Azimuts 48/49, Le type. Règne, crise & critique
Des corps capables Tiphaine Kazi-Tani
Saint-Étienne, France, Septembre 2018

*Terrain Vague #4
Portfolio : READ MY LIPS
Paris, France, Mars 2018


CERBERE, Show me ur ID
Interview de Milèna Kabakdjian
web, France, Mars 2018


*CRASH
Portfolio collectif : QUEER ART SCENE
Interview : Dorothée Dupuis & portrait : Élise Toïdé
Paris, Décembre 2018


*DECOLONISING DESIGN, Shaping mutant desires: exhibiting Gynepunk at the Biennale Internationale Design
web, Allemagne, Septembre 2017


*RESSOURCES HUMAINES, Frac Lorraine, cur. Virginie Jourdain, Le Travail, Que sais-je, avec Pierrot & Petit,
Metz, France, Juin 2017


*PLASTIC QUEER : Afiac 2015
Des artistes chez l'habitant
Fiac, France, Mars 2017


*X= Rivista d’Artista : X= BORDERS
Création spéciale : insert X= TESTO
Brussels, Belgique, Janvier 2017


*GLAD! revue sur le langage, le genre, les sexualités
FT* / MT* : TRANS-formation
web, France, Décembre 2016


*FÉLICITA : catalogue des félicités 2015
Beaux-Arts de Paris édition
Paris, France, Septembre 2016


*Diplômés 2015
Beaux-Arts de Paris édition
Paris, France, Juin 2016


*Nichons-nous dans l’internet,
Création spéciale : imprimer internet avant que cela ne s'arrête / printing internet before it stops
Paris, France, Juin 2016


*Aux chiottes la discrimination sexuelle
Libération avec Ruwen Ogien
Paris, France, Janvier 2016


*étapes: 227 : spécial diplômes
HELLOVE (DARK IT UP)
Paris, France, Janvier 2016


*Terrain Vague #1 : filles publiques
Interviews croisées, projet TRANS-formation
Paris, France, Octobre 2015


*Tiphaine Kazi-Tani : queer graphics designing critical messages : FT* / MT* : TRANS-formation
San Francisco, USA, Septembre 2015


*étapes: 214 : Du cœur à l'ouvrage
FT* / MT* : TRANS-formation
Paris, France, Mars 2014


* Après\Avant #1 : Corps neuf : Gaillarde métamorphose
FT* / MT* : TRANS-formation
Paris, France, 2014


*Brochures FT* / MT* : TRANS-formation
conception graphique et illustrative sur la chirurgie génitale trans, imprimées avec une aide des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence
Paris, France, 2013
take me back
i'm yours
Polychrome +
La Nuit des Débats
Présentée par le Collectif Mu – La Station, Gare des Mines, novembre 2017
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