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textes & publications
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HELLOVE (DARK IT UP) — Ensba, Paris, 2015

Comme Preciado, Diana J. & Félix G. Torres, Gaël & Kira, Monique Wittig, Guillaume Dustan, et toutes les sales petites cliques queer je crois à l'avénement d'un nouvel ordre amoureux, qui gigote déjà salement dans le fonds des back-rooms et contre les troncs des arbres des parcs qui s'agglutinent autour des villes. Je veille à y participer, à le faire palpiter, et à lui renvoyer les milles sourires dont il emplit mon cœur et le monde.
Le travail d’Hélène Mourrier est le territoire d’identités croisées. Fluide, poreux, friable, il prend des formes hybrides, entre représentations, symboles et performances. Le temps d’un espace, d’une Party, les corps-expériences se constituent en communauté, diluant les désirs les uns dans les autres, désir de création, désir sensuel, désir de l’autre.

Floutant volontairement identité de genre, identité sexuelle, identité plastique, l’artiste embrasse la culture et l’esthétique Queer, prônant une déconstruction toujours active des motifs, des formes, du discours. Aux catégories sclérosantes, gelées, Hélène Mourrier préfère la circulation des fluides, les sueurs, les salives, les flux de pensée, de paroles, l’amplitude sonore, la projection hallucinatoire des espaces, le choc des corps, l’amour à l’état liquide.

Recyclant les codes mainstream, Hélène Mourrier manipule et transforme les icônes d’un monde normé. Modifiant leur taille, leur voix, leur apparence en intervenant sur image numérique ou en sculptant la réalité même des formes, le référent, l’objet ou sa représentation forment alors une architecture mentale mais palpable, les vestiges d’échanges sociaux, engloutis mais singuliers.

Dispersés,
tombés,
échoués,
les éléments table, lumière tamisée, pastilles aux allures de pilules MDMA, fond d’écran, vêtement, fond sonore, fond tout court constituent une scénographie fantasmée et fantasmante, lieu de transgression et de déconstruction des rapports entre soi et l’autre.
*Elisa Rigoulet
KULTIVERA, DANCE IGNITION LAB : BLACKOUT (GALAxie°°Gemini moon), Suède, 2015


« Il n’y aura pas d’image pour cette nuit dans le noir. » C.


We were going the two of us at the Club on october. Cold was starting to beat, not so much, but I have this feeling that we were entering into a new kind of season. We put our cloths together, the party was free, but I haven’t enough money to pay the cloakroom. We joined the dancefloor. All the lights were turn off and I can only see this crowd of desires moving into the darkness of the space. Some of them had flashlights, purple-blue-little-ones, that didn’t permit to see faces clearly, but at least the outlines. We splited, as usual, and I went on my way, moving, feeling myself into this wave of arms, chests, nudes, tongues, flows, kisses, nipples, laughs: vivid humans-contact. In a minute I was dripping. Heat effluvium that I was unable to stand for longer. I spread myself from the DJset, and started to pass through this shapeful mass.

Our eyes met.

We were going into the opposite direction. I headed the background, while he seemed head the scene. We were keeping eyes-contact until my neck can’t afford more stretching. Apparition.

I restarted dancing, near to the backroom, and sometimes, when my lazy eyes curiously fell on a ray of light, coming from sumers, I could see excited body-parts of guys having sex. I felt tired, and I approached the wall to drop my scapulas. He was standing few meters in front of me, looking at the dancers. Back. I wanted to cum to him. My feet were already walking, I taped his shoulder and asked : "Are you ok?". He turned on himself and faced me, quite a bit surprised. Smiling. "Yes". I can’t remember what happen exactly after. Or rather how. I remember I asked his aged ; he told me I was rude. I was too bad into the conversation. I started dancing for him, and he started following me. I could feel our smiles flowed on each other. He looked like a bird. Light. We were turning one around the other, and the passionates attractions were stronger than gravity. We were magnets. Lovers. Exchanging a material of repulsing and charming at the same time. Two gemini orbs, raising the tide.
H.
Si le queer rejette toute définition préconçue de genres, de sexes ou de sexualités, il est également un mouvement transféministe qui ouvre sur des possibles identitaires kaléidoscopiques et poreux. Organiser une queer party pour son diplôme, voilà le projet que s’est fixée Hélène Mourrier, diplômée avec les félicitations du jury. Issue d’un parcours en graphisme et illustration scientifique, le DNSEP lui a permis de mettre en relation son travail de graphiste avec celui d’artiste. Elle y construit un discours sur les notions de design et de genre, et met en lumière sa sensibilité pour le corps humains, les cyborgs et autres êtres augmentés. De son intérêt premier pour les espaces TPG (transpédégouines), la transidentité ou la queer théorie, son DNSEP s’appuie sur le modèle d’une hétérotopie, « un espace décrit comme la localisation physique d’une utopie où les règles hégémoniques du monde se trouvent destituées et les standards renversés, les relations au temps y sont anéantis ». 

HELLOVE (DARK IT UP), l’installation de son diplôme est un espace–temps engagé qui rassemble plusieurs pièces ambigües symbolisant tour à tour objets, souvenirs, personnes, discours et expériences vécues. Confrontées les unes aux autres les pièces rediscutent entre elles des formes du monde.
*Isabelle Moisy
"Le courage d’être soi"
Par Paul B. Preciado
take me back
i'm yours
PLASTIC QUEER, Afiac, 2015
commissaires : Patrick Tarres, Karine Mathieu & Magali Gentet
avec Tony Regazzoni, Jean Biche, Romuald Dumas-Jolando, Evor, Anna Burlet, RED BIND, Pascal Lièvre & Delphine Balley

Septembre. Je participe à PLASTIC QUEER. La spécificité de cette exposition c’est qu’elle se déroule chez l’habitant et que la génération des pièces se fait depuis cette rencontre ; de l’échange avec la famille dans laquelle l’artiste est accueilli-e jusqu’à l’architecture des lieux. 10 artistes sont donc entré-es dans 10 vies pour étaler la queerness sur les murs de ses hôtes. C’est Béatrice qui m’accueille dans sa maison avec ces quatre enfants-terribles et leurs animaux de compagnie (du même nombre).

Au vue de ma pratique initiale et de mes outils numériques, j’ai la possibilité de fabriquer à distance et de tout faire envoyer sur les lieux. Passer d’une pratique virtuelle, impalpable, à des objets tangibles, prenant corps dans le réel, pour se les coller, s’y étendre, s’enrouler à l’intérieur et s’y perdre. Ma première rencontre se fait au bord de la piscine.

Immédiatement, je décide de ne pas entrer dans l’espace privé, mais de bien rester autour de la maison. De garder une intériorité secrète, de permettre de venir s’y réfugier. Que l’on parle d’apparition. De faire permuter l’essence des lieux, de hacker leurs usages premiers, de les travestir avec quelques apparats. Je prélève dans mes anciens motifs celui de mes smileys dopés pour les faire muter en ALIEN : ce qui surgit, dont les origines restent mystérieuses, obscures : O.V.N.I. Je pique aux queer ce piercing au septum avec son anneau bien reconnaissable à deux boules. Métallisé et dupliqué en une rosace de vie, il devient une machinerie cyborg. Mes dessins se destinent à devenir des serviettes de bain, des stickers, des impressions PVC.
Deux mois plus tard, je pose mon vaisseau spatiale à l’entrée de là où j’ai atterri. Une petite voiture de ville pimpée vous accueille : les portières sont ouvertes, Mylène chante Désenchantée en boucle, les deux places avant ont été abandonnées, avec leurs deux sièges bien baissés à fond, comme si nous avions passé la nuit ici à s’emballer, un mot sur le par-brise indique « Si tu me cherches, je serai au fond de la piscine ».

Je suis postée dans le jardin, à vous attendre, si vous voulez bien venir m’accoster. Quatre bâches immergées et lestées au fond de l’eau bleue salée nous lance un regard mouvant sous l’impulsion du filtre. Au centre de chacune des impressions sur PVC de 4 mètres sur 2 se trouve une sorte de twister. Poser une partie du corps sur une pastille, vert-acide. Se laisser flotter légèrement, au dessus du signe gender-hacker transféministe que les quatre coins réunis modèlent. Je présente cette pièce comme des bâches pour baiser. Pour protéger les backrooms, les fêtes ou les sols de nos appartements de nos substances liquides amoureuses.

Je ne vous emmène pas au fond du jardin où attend S/HE MALE TROUBLE ; sur la croupe harnachée d’un gros cul vert repose, ravi, le signe gender-hacker précédent uni à un peace & love. Ce unicode non-conforme suggère de sa flèche trans de se laisser doucement glisser dans les entrailles, si aux yeux flottants nous saurons donner le mot de passe : FUCK TON GENRE, FUCK TON SEXE, FUCK TA SEXUALITÉ. WE’RE QUEER, WE’RE HERE.
H.
"The drama starts here
Do let me tell you something honey
If you want drama
You came into the right place
Because i'll give it to you
Do let me tell you something honey
Ahhh! My life is a drama
With a begging, a middle and not end Drama
!¿Drama?! i'll tell you what drama is
Drama is going
Into that boutique that you just love
And you have seen the dress of life
And some skinny witch sized two
Says it doesn't come in your size
That's drama
Drama
Everything in my life today
Is a drama
So let me see you coming
You better promo and having this darling And don't to make me end
I live it
I act it
I suffer, and then joy
The drama
Come to me,
I'll give you all the drama you need
The drama starts here"

*Kim Cooper DRAMA featuring Club 69
"Nager dans les eaux troubles
Des lendemains
Attendre ici la fin
Flotter dans l'air trop lourd
Du presque rien
A qui tendre la main

Si je dois tomber de haut
Que ma chute soit lente
Je n'ai trouvé de repos
Que dans l'indifférence
Pourtant, je voudrais retrouver
l'innocence
Mais rien n'a de sens, et rien ne va

Tout est chaos
À côté
Tous mes idéaux : des mots
Abimés
Je cherche une âme, qui
Pourra m'aider
Je suis d'une génération désenchantée
Désenchantée

Qui pourrait m'empêcher
De tout entendre
Quand la raison s'effondre
À quel sein se vouer
Qui peut prétendre
Nous bercer dans son ventre

Si la mort est un mystère
La vie n'a rien de tendre
Si le ciel a un enfer
Le ciel peut bien m'attendre
Dis moi,
Dans ces vents contraires comment s'y prendre"
*Mylène Farmer, Désenchantée
CropTop2Bottom, pièces en latex, piercings & couteaux en céramique, émaillés et lustrés, 2017

« Très récemment, j’ai découvert qu’il y a peut-être une aile du féminisme qui pourrait m’habriter avec tous mes vices et vertus comme une fille égarée, sale, chienne, pute et maso, punk, non-conformiste : le transféminisme. C’est l’avenir du féminisme. (…)
Si on ne veut pas comprendre que les idées sont tout comme les personnes mutantes, qu’on aille se faire cuire un œuf et qu’on nous foute la paix. Toute personne produit du genre, produit de la liberté. Argumentons avec des genres infinis. Appelons à la réinvention à partir du désir. (…)
Queer signifie que continuer à parler de la femme n’a pas de sens. Queer signifie que des catégories telles que pédé, hétéro, lesbienne n’ont plus de sens (…). C’est bien plus intéressant et productif de savoir s’il y a une éthique derrière nos actes, une conscience vraiment politique, une responsabilité ; et cette conscience dans le mouvement transféministe que j’imagine, naît de l’intention que d’autres personnes arrêtent de décider sur nos corps et nos sexualités (…)
Je défendrai le queer, le transféminisme, et défendrai avec toute mon énergie les personnes avec qui l’on va s’embarquer dans cette aventure.
J’ai envie, j’ai la force et je n’ai pas peur de l’avenir car je sais qu’il nous appartient. »
*Diana J. Torres, Pornoterrorisme
crédit images : Nino Granita & H. Mourrier
crédit images : Lorraine Druon
crédit images : H. Mourrier
crédit images : H. Mourrier
J’adore comment tu te tournes et te retournes et t’entrouves
pour moi
juste pour moi
*Kathy Acker, Sang et stupre au lycée
Dans ma chambre (Je sors ce soir) : Félicita, Palais des Beaux-Arts de Paris, 2016
commissaires : Alexia Fabre, Jean-Luc Blanc, Jean-Charles Massera
& Morgane Tschiember


Tonight it's party night. Tonight it's party night. Tonight it's party night. Look around. Pleasure. Il tient là sa main dans la sienne. Le lait bleu qui s'évapore et la pulpe des doigts bombée fait pénétrer les fines gouttes pulvérisées. La poudre blanche à porter, ta seconde et ton unique peau qui se matifie et s'assouplie. Juste avant de partir. Regards dans le fond, fond de verres tièdes, fond de couloir noir, fond de soirée, foncedé-es. Les diodes de l'écran clignotent : read my lips, BITCHES BITE BACK. Je lèche l'air emplie de nos phéromones et m'avance vers toi. Love knows, no gender.
H.
On n’en a rien à foutre de vous et votre argent on en veut pas, vous avez plus de fric que nous, vous avez tout en plus que nous, vous croyez qu’on veut votre fric et qu’on veut vous tuer, mais non

On veut pas de votre fric il est
7 heures du matin on est trop déchirés on vit dans la marge on vit dans toutes les marges imaginables et on en rajoute d’autres on est de la merde

Ce n’est pas de la colère

ça n’a rien d’une émotion c’est vivre dans la marge, n’importe quelle marge, autant haïr tout le monde.

On ne veut pas de votre fric on veut
(1) se faire sauter de temps en temps
(2) avoir un peu d’amour dans nos vies
(3) avoir des hôpitaux gratuits
(4) avoir le choix permanent d’au moins un repas non empoisonné par jour

On est tous défoncés et on a des désirs.
On a les désirs des autres.
AMOUR AMOUR AMOUR
Voilà pourquoi on est défoncés.
*Kathy Acker, Sang et stupre au lycée
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
SUCE-MOI SUCE-MOI SUCE-MOI
*Kathy Acker, Sang et stupre au lycée
Toute position de désir, si petite soit-elle, à de quoi mettre en question l’ordre établi d’une société : non que le désir soit asocial, au contraire. Mais il est bouleversant ; il n’y a pas de machine désirante qui puisse être posée sans faire sauter des secteurs sociaux tout entiers.
*Kathy Acker, Sang et stupre au lycée
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Hélène ?
crédit images : Lorraine Druon & Vovotte Recto Verso
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Interview d'Élisa Rigoulet, catalogue des Félicité-es, 2016
take me back
i'm yours
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BITCH MANIFESTO,
Jo Freeman (aka Joreen), 1969
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SCUM MANIFESTO,
Valerie Solanas, 1977
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H.<3
take me back
i'm yours
take me back
i'm yours
"Je sors ce soir"
Tony Regazzoni / Glassbox
Du 9 février au 2 mars 2019
Espace Menuiserie

Pour l’exposition qui inaugure son implantation à Montpellier, Glassbox invite Tony Regazzoni à présenter « Je sors ce soir », une installation inspirée du roman éponyme de Guillaume Dustan, où l’auteur décrit avec force détails sa sortie d’un dimanche soir à La Loco. Réinvestissant les mythes du « samedi soir », de la sortie du week end des années 70 à nos jours, « Je sors ce soir » est une exposition, mais aussi un espace ouvert à d’autres pratiques comme danser et faire la fête. L’exposition sera ponctuée de plusieurs évènements, notamment des séances pour s’entrainer à mixer, des enregistrements radio etc.
Je sors ce soir
Guillaume Dustan

Je sors ce soir, c’est, après une longue absence, une replongée dans la nuit gay du ghetto parisien. Tout est finalement plus simple dans cet espace d’abandon, de détachement, où la musique relaie la parole, et où les rythmes donnent un espace aux corps. Refuge où l’on essaie de s’immerger quand l’oubli des êtres et des situations est en fait impossible. Grave, et inquiet, retenu, Je sors ce soir est la chronique d’un soir comme un autre, fait de rencontres, de boisson, de drogue, de très vides heures d’errance immobile, un soir qui n’est pas sûr de son lendemain.














Crédit images :
Tony Regazzoni & Marielle Rossignom